La destination “Restaurant” dans le bail commercial
La clause destination d’un bail commercial est la clause pivot du bail en ce qu’elle définit les activités pouvant être exercées dans les locaux commerciaux.
Elle est librement convenue par les parties lors de la conclusion du bail mais ils doivent y porter une attention toute particulière.
En effet, pour le bailleur, c’est la clause destination qui définit son obligation principale à savoir l’obligation de délivrer un local conforme à l’activité inscrite.
Cette obligation présente deux aspects :
– un aspect juridique : l’activité autorisée dans le bail doit être conforme au règlement de copropriété (en cas de local loué dans une copropriété), à la règlementation d’urbanisme de la commune mais aussi à différentes normes telles que celles pour les établissements recevant du public ;
– un aspect technique : il doit être techniquement possible pour le locataire d’exercer l’activité définie dans le bail commercial.
Ces aspects sont particulièrement importants pour les activités de restauration. En effet, la jurisprudence considère, et notamment les juges civils du Tribunal Judiciaire de Paris, que l’activité de restauration suppose l’existence d’une gaine d’extraction, sauf clause contraire (TGI Paris, 30 mars 2017, 8èmechambre, 2èmesection, n°1407236 ; TGI Paris, 18èmechambre, 1èresection, 2 février 2016, n°1300334).
Ainsi, pour les activités de restauration, il est primordial d’indiquer si le local contient une gaine d’extraction et de le préciser dans la destination du bail.
En effet, en l’absence de précision, les juges considéreront l’existence d’une telle gaine et l’impossibilité juridique (suite à un refus de la copropriété par exemple) ou technique rendra le local non conforme à son obligation de délivrance.
Par conséquent, le locataire serait en droit de demander la résiliation judiciaire de son bail commercial et des dommages-et-intérêts pour la perte d’exploitation de son fonds de commerce.
Mais attention, le locataire doit également respecter la clause destination du bail commercial.
En effet, si la clause prévoit une restauration « à emporter » uniquement et que le locataire y fait en plus une restauration « sur place » alors le bailleur serait en droit de demander la résolution du bail (en cas de clause résolutoire dans le bail commercial), la résiliation judiciaire ou bien la déspécialisation partielle du bail avec les conséquences que cela entraîne. La déspécialisation du bail commercial entraîne notamment le droit pour le bailleur de demander en fin de bail le déplafonnement du loyer commercial.
Plus encore, la jurisprudence considère que :
« lorsque l’activité prévue au bail est celle de « plats cuisinés à emporter ou consommer sur place, restaurant », il a été jugé que le commerce de vente et livraison à domicile de plats cuisinés à l’avance ne peut pas être considéré comme une activité incluse dans la destination contractuelle. En effet, la seconde activité se distingue de la première par la nécessité d’utiliser un nombre important de véhicules à deux roues destinés à la livraison de plats commandés au téléphone, le service rendu à la clientèle consistant plus dans la rapidité de livraison, quels que soient l’heure et le lieu, que dans la qualité des mets ainsi acheminés ou celle du service à table ou au comptoir ; en outre , l’affectation la fréquentation, l’organisation et l’aspect même des lieux se trouvent ainsi substantiellement modifiés, ceux-ci ne servant plus en fait qu’à la confection et au conditionnement des plats, la clientèle n’étant plus appelée sauf exception à séjourner dans la boutique pour y consommer ; enfin, les nuisances occasionnées par un tel commerce, relevant au demeurant d’une règlementation distincte et plus exigeante, sont à l’évidence très différentes de celles entraînées par l’exploitation, dans une petite salle d’une vingtaine de mètres carrés, d’un fonds de restauration destiné à la prise de repas rapides ou à la vente de plats à emportés par le client lui-même » (Cour d’Appel de Paris 24 juin 1998, n°96-7222, 19èmechambre A, Société Food Delivery Service c/ Ancla ; Cour d’Appel de Paris 11 juin 2009 n°08-13759, 16èmechambre B, SARL Asma c/ Société Régie Immobilière de la Ville de Paris).
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