Aix, Pôle 1, ch. 7, 11 mars 2021, n°19/13008, application de l’article 1722 du Code civil
L’interdiction d’accueil du public et la fermeture des commerces imposés par textes règlementaires ont eu des conséquences sur le droit des baux commerciaux. Les effets des décrets “Covid” en la matière ont été appréhendés grâce à des outils de droit commun des contrats : force majeure, obligation de délivrance du bailleur, perte de la chose louée…Le bon sens suggérait en effet de dispenser les parties d’exécuter un contrat dont l’exécution était rendue tout bonnement impossible.
L’article 1722 du code civil dispose en effet :
« Si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédommagement ».
Applicable aux baux commerciaux (Cass, 3ème Civ., 1er mars 1995, n°93-14.275), cette disposition offre, dans l’hypothèse où il est impossible d’user de la chose louée conformément à sa destination, une option au preneur. Soit il peut demander une réduction de loyer, soit, si le maintien dans les lieux ne présente plus d’intérêt pour lui, il peut exiger la résiliation du bail. Cette option n’est ouverte qu’en cas de destruction – partielle ou totale – de la chose louée par cas fortuit. D’ailleurs, la Cour de cassation a déjà été amenée à préciser qu’elle n’était offerte qu’au Preneur et à lui seul (Cass, 3ème Civ., 1er février 1995, n°92-21.376).
C’est ainsi qu’en période de Covid-19, la majorité des tribunaux ont jugé en référé qu’en matière de baux commerciaux, la perte de la chose louée constitue une contestation sérieuse à la demande de paiement du bailleur, de sorte que le juge de l’évidence ne pouvait faire droit à la demande de paiement.
Reste que cet outil juridique, amplement évoqué en période de Covid-19, lui préexistait.
Dans un arrêt rendu le 11 mars 2021, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a fait application de l’article 1722 du code civil, considérant ainsi que le preneur pouvait solliciter la résiliation de son bail en raison de la destruction partielle de son local commercial.
En l’espèce, un bail commercial portant sur des locaux commerciaux a été conclu le 12 décembre 2007. Courant 2015, de violentes pluies ont ravagé de nombreuses rues de la ville, provoquant des dégâts dans les locaux en cause. Ces évènements ont entraîné un arrêt d’activité temporaire. Le locataire ne pouvant plus exercer son activité, il a fait savoir à son bailleur par lettre recommandée avec accusé de réception qu’il entendait quitter les lieux. Par la suite, le bailleur a assigné son locataire en vue d’obtenir notamment le paiement de dommages et intérêts pour rupture abusive du bail commercial.
Rappelant les termes de l’article 1722 du code civil, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a considéré que les violentes pluies qui se sont abattues sur les locaux loués étaient exceptionnelles. La preuve en est qu’un arrêté de catastrophe naturelle avait été pris par les autorités compétentes. En effet, la destruction du bien loué résulte d’un évènement météorologique indépendant de la volonté des parties, et ne pouvant être imputé à aucune d’entre elles, notamment pas la faute du bailleur ou du preneur. Par suite, ces précipitations constituent un cas de force majeure.
« Force est de constater que les précipitations en cause ont eu un caractère tout à fait exceptionnel comme en témoigne le fait qu’ait été pris un arrêté de catastrophe naturelle. Il résulte clairement des justificatifs produits qu’il s’agissait là d’une des pires catastrophes naturelles que la Côte d’Azur ait connue. On se trouve donc incontestablement au cas particulier en présence de faits constitutifs de force majeure ».
Ce cas de force majeure a donc été à l’origine de la destruction partielle des locaux donnés à bail. C’est ainsi à bon droit que le locataire a décidé de résilier le bail commercial.
Par ailleurs, la Cour ajoute que la circonstance que le locataire ait participé à la réhabilitation des locaux après le sinistre est sans conséquence sur l’option que lui offre l’article 1722 du code civil, à savoir soit demander une réduction du loyer, soit exiger la résiliation du bail.
« Il convient de souligner que le fait que le locataire ait fait procéder à la remise en état du local à ses frais (dans le cas présent aux frais de son assureur) ne le prive nullement de son droit d’exercer l’option prévue par l’article 1722 du code civil. »
Toutefois, conformément à l’article 1722 du code civil, le bénéfice de l’option n’ouvre le droit à aucun dédommagement pour le locataire. Ainsi, en l’espèce, le locataire ne peut prétendre au remboursement des frais engagés par son assurance pour procéder aux travaux.
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